"La danse de la tarentule" de Claire Blanchard

Genre : Roman, Drame

Résumé :
Bouleversante histoire sur l'amour d'une enfant pour sa mère aux lisières de la folie, ce roman d'une grande justesse nous entraîne dans le cercle infernal de la violence familiale…

" Ker Kroaz. Le manoir où j'ai vécu enfant. Une demeure gigantesque avec une tourelle, entourée d'un parc donnant sur une petite crique, des pièces partout, fermées à clé pour la plupart. Au début des années 1980, de l'âge de cinq ans à l'âge de neuf ans, j'ai habité là avec ma grand-mère, Joséphine Vernois, mon petit frère, Jean-Baptiste, et tante Micheline, la sœur de ma mère.
Ma mère, si tant est qu'on puisse l'appeler ainsi, nous avait pondus, mon frère et moi, pouf, pouf, à deux ans d'intervalle, puis s'était promenée à travers le monde, une fois qu'on n'eut plus besoin de lui téter les mamelles, pour suivre mon père dans ses déplacements. On avait vécu tous ensemble à Palaiseau, mais un beau jour, ça y est, ça s'était décidé du jour au lendemain, mes parents avaient disparu et je m'étais retrouvée au Croisic avec mon frangin de trois ans. Ma mère nous avait confiés à ma grand-mère pour six mois, puis ces six mois s'étaient changés en années. "


La Danse de la tarentule raconte l'éveil douloureux d'une enfant éperdue d'adoration pour sa mère, monstre pervers au masque trop charmant. Dans ce roman, qui dit avec grande justesse l'enfance, Emilie émeut tout autant que sa volonté de rompre le cercle des violences familiales impressionne. Le jour où cette mère impose la tragédie, Emilie s'échappe de ses rets et ne la reverra pas de son vivant.

Extrait :
"Ca fait vingt ans. Vingt ans que je n'ai pas remis les pieds ici, au Croisic. Vingt ans que je ne l'ai pas revue, elle. Leur grand-mère. Je l'ai chassée de ma vie. Ma génitrice. Jusqu'à ce rêve. Jusqu'à ce que je rêve à nouveau de sa mort, une nuit."

Mon avis :
Emilie, artiste-peintre, se retrouve au Croisic avec ses deux enfants sous la bras aux portes de la maison de son enfance. C'est avec angoisse qu'elle entre dans cette demeure où les souvenirs sont nombreux, et qu'elle constate le décès de sa mère. Avertie plus tôt de sa mort, et bien qu'elle n'ait pas vu sa mère depuis des années, Emilie a tenu à faire le déplacement pour voir de ses propres yeux la dépouille. Enfin soulagée, elle en ressort tout de même bouleversée et repense à sa vie.

C'est ainsi que nous la retrouvons à l'âge de 5 ans, au Croisic avec sa grand-mère et sa tante Micheline. Son frère Jean-Baptiste a 3 ans. Depuis un an, ses parents sont partis en Inde pour le travail, laissant les enfants aux bons soins de ces femmes. Ferventes catholiques, l'éducation est très stricte. Aucun débordement n'est toléré, les punitions pleuvent. La vie est très chiche, l'intégration à l'école d'autant plus dure. Cette vie, illuminée deux fois par an de la visite de ses parents, continue jusqu'aux 9 ans d'Emilie. Un évènement va chambouler l'ordre établi. Au revoir Le Croisic, bonjour Paris : une nouvelle vie s'amorce avec ses parents, elle ne pourra être que plus belle. Enfin, c'est ce qu'Emilie croyait… Ce bonheur est très vite fragilisé par le comportement de Marie, sa mère, une femme intelligente mais imprévisible. Instable, elle ne vaut pas mieux que la grand-mère. Elle offre une facette d'elle aux enfants que personne ne soupçonne. Le mari, toujours absent, est décevant au possible lorsqu'il est là.

Dans cette atmosphère glauque, parfois tyrannique, Emilie peine à trouver sa place. Dotée de grandes capacités, elle excelle à l'école et dans la pratique du piano. Elle veut en faire une vocation, un métier. Elle réussi tant bien que mal à maintenir un bon niveau scolaire, bien que sa mère souffle le chaud et le froid sans cesse. La violence est quotidienne, insidieuse, discrète et invisible aux autres. Démon dans l'intimité, Marie est une mère courage aux yeux de tous. Inimaginable, cette femme est cruelle, ignoble, voire inhumaine. Elle est détestable du début à la fin. On soutient Emilie qui tente tout pour (sur)vivre au mieux dans cette ambiance désolante : parfois docile, aimante, d'autres fois rebelle et méchante. Rien ne convient jamais. On est aussi attristé de voir évoluer Jean-Baptiste : enfant chétif qui a difficultés scolaires, il est souvent pris à parti chez lui et à l'école. Il est ignoré par ses parents, incompris. Ces deux enfants sont très touchants. Ils ont très peu de soutien, voire pas du tout, de leur famille : ils ne sont pas proches et surtout, la plupart ignore ce qu'il se passe vraiment dans les murs de leur appartement.

Bouleversant, ce roman est sombre du début à la fin. Il retrace donc le triste parcours d'Emilie. C'est percutant, choquant et sinistre. Le récit à la première personne nous permet d'être encore plus proche d'Emilie, de la comprendre et surtout, de ressentir ses émotions. La période la plus dure à lire est avant l'adolescence, quand Emilie avait encore son esprit d'enfant qui n'avait qu'une envie : se faire aimer de sa mère. L'histoire est lente, morose à l'image de la vie de cette jeune femme. On est plongé dans ses pensées. J'aurais aimé que certains passages soient un peu moins longs, pour laisser plus de place à certains évènements marquants qui sont trop vite passés. Le dénouement me laisse avec une ou deux interrogations, mais le lecteur peut librement imaginer les réponses lui-même. La plume de l'auteure est fluide, soignée, agréable à lire.

Ma note : 3,5/5


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