"L'enfant aux cailloux" de Sophie Loubière

Genre : Roman, Thriller, Suspense

Résumé :
Elsa Préau est une retraitée bien ordinaire. De ces vieilles dames trop seules et qui s'ennuient tellement - surtout le dimanche - qu'elles finissent par observer ce qui se passe chez leurs voisins. Elsa, justement, connaît tout des habitudes de la famille qui vient de s'installer à côté de chez elle. Et très vite, elle est persuadée que quelque chose ne va pas.
Les deux enfants ont beau être en parfaite santé, un autre petit garçon apparaît de temps en temps - triste, maigre, visiblement maltraité. Un enfant qui semble l'appeler à l'aide. Un enfant qui lui en rappelle un autre...
Armée de son courage et de ses certitudes, Elsa n'a plus qu'une obsession : aider ce petit garçon qui n'apparaît ni dans le registre de l'école, ni dans le livret de famille des voisins.
Mais que peut-elle contre les services sociaux et la police qui lui affirment que cet enfant n'existe pas ?
Et qui est vraiment Elsa Préau ? Une dame âgée qui n'a plus toute sa tête ? Une grand-mère souffrant de solitude comme le croit son fils ? Ou une femme lucide qui saura croire à ce qu'elle voit ?

Extrait :
"Mme Préau jouissait d'une vue correct pour son âge. Il lui était cependant difficile de voir net au-delà d'une certaine distance, même avec ses lunettes. Aussi décida-t-elle début août d'acquérir auprès de l'opticien M. Papy une paire de jumelles de théâtre.
La raison à cela : le garçonnet sous le bouleau pleureur. Son absence de contact entre lui et le reste de la famille l'intriguait. Cela relevait sans doute d'un tempérament solitaire ou d'un tendance au repli sur soi. Mais cette attitude aphasique à la limite de la prostration était singulière. Jamais il ne tenait dans ses mains de jouets, se contentant de brindilles et de cailloux. Et s'il arrivait bien de temps à autre à Mme Préau de croiser le petit frère et la sœur sur le trottoir au retour de la boulangerie avec leur père, l'un sur son vélo, l'autre debout sur une trottinette, jamais encore la vieille dame n'avait vu le garçonnet en dehors de chez lui. Et cela était troublant."

Mon avis :
Après une vie riche en événements heureux et dramatiques, Mme Préau réinvestit sa maison après des années passées en institution. Sa santé retrouvée, la retraitée redécouvre son quartier, notamment les voisins. Depuis sa chambre, elle observe la famille Desmoulins, plus particulièrement un petit garçon isolé, chétif à l'air triste. Ses réflexes d'institutrice ne sont pas loin et son expérience la pousse à en savoir plus. Pas de doute pour elle, l'enfant est en danger : elle doit l'aider coûte que coûte.

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance d'Elsa Préau depuis son enfance : une rétrospective dès ses 8 ans, puis sa vie d'adulte, morcelée, et enfin son quotidien de retraitée qui réemménage dans sa maison. J'ai apprécié de connaitre, en partie, son parcours de vie. Cela m'a aidé à cerner sa personnalité et ses réactions. C'est une dame attendrissante, mais aussi originale voire sénile par moments. J'ai senti une grande bonté mais aussi des blessures encore à vif. Mme Préau semble être une personne fragile, qu'il faut protéger. Mais sa part d'ombre, ses comportements extrêmes et parfois obsessionnels, donnent l'impression qu'elle a été sévèrement touchée psychologiquement par les tragédies qui ont ponctuées sa vie. Alors, je me suis mise à douter d'elle : où se situe la frontière entre réalité et folie ? Elle n'en reste pas moins attachante. Elle est entourée de son fils, Martin ; de Claude, un psychologue et d'Isabelle, une femme de ménage. 

L'intrigue se déroule essentiellement en 2009, lorsque Mme Préau réinvesti sa maison. Les mois qui suivent se déroulent un peu à huis-clos, chez elle. Son quotidien est millimétré : heure des repas, des émissions de TV, des nuits, etc. Elle s'intéresse aux sujets d'actualité et ne manque pas d'y réagir, quelques fois de façon démesurée. La retraitée possède également des carnets qu'elle noircit tous les jours pour raconter ses activités, ses pensées et ses sentiments. Lorsqu'elle se donne pour mission de sauver l'enfant aux cailloux, elle ne fait pas les choses à moitié, mais pas de manière impulsive... en apparence en tout cas, je trouvais ses actes plutôt réfléchis. Dans une ambiance parfois pesante, je me suis toutefois interrogée sur sa santé mentale : que voit-elle réellement ? Est-elle fiable ? Surtout qu'en parallèle, j'en découvrais plus sur des pans de son passé, son implication dans certains événements. Avec intérêt, j'ai réfléchi au scénario, fait des hypothèses. Lors des révélations principales, j'ai été étonnée... mais le dénouement n'était pas tout à fait terminé. En effet, celui-ci réserve encore quelques confidences bouleversantes.

Sans surprise, j'ai adoré ce roman... le premier de Sophie Loubière que je lis. Son style est entrainant, percutant et visuel : j'avais l'impression de voir les images défiler devant moi. La structure du récit est parfaite : si je me posais des questions sur la rétrospective au départ, j'ai compris plus tard son intérêt. L'alternance du récit au présent, de lettres et d'extraits des carnets est appréciable également. Le suspense est omniprésent, j'ai ressenti le malaise en permanence, mais sans identifier s'il venait de l'enfant aux cailloux ou de Mme Préau... ou des deux ! Je me suis sentie dans le flou mais captivée ; j'ai été touchée par Mme Préau. J'ai eu bien du mal à lâcher ce livre. Poignante, l'histoire aborde des sujets délicats et toujours d'actualité (malheureusement). Les rebondissements sont comme un feu d'artifice et lorsque le bouquet final arrive, l'évidence apparait ; j'ai eu toutes les réponses à mes questions, les mystères ont été levés. J'ai donc passé un très bon moment lecture !

Ma note : 5/5

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