"Et tu n'es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivens

Genre : Roman, Témoignage, Historique

Résumé :
« J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »
Le 29 février 1944, Marceline Loridan-Ivens a quinze ans lorsqu’elle est arrêtée avec son père lors d’une rafle. Déportée à Birkenau, elle subit l’horreur des camps et parvient à survivre. Son père, lui, ne reviendra jamais d’Auschwitz. Soixante-dix ans plus tard, elle lui adresse une lettre, rédigée avec la journaliste et écrivain Judith Perrignon, où elle raconte sa captivité, son retour, sa vie d’après.

Extrait :
"J’ai été quelqu’un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d’être triste et rire quand même. Les gens aiment ça de moi. Mais je change. Ce n’est pas de l’amertume, je ne suis pas amère. C’est comme si je n’étais déjà plus là. J’écoute la radio, les informations, je sais ce qui se passe et j’en ai peur souvent. Je n’y ai plus ma place. C’est peut-être l’acceptation de la disparition ou un problème de désir. Je ralentis."

Mon avis :
Au crépuscule de sa vie, Marceline Rozenberg couche sur le papier ce qu’elle a sur le cœur. Elle s’adresse à son père, tragiquement disparu dans un camp de la mort durant la Seconde Guerre Mondiale. Elle repense aux moments passés à Birkenau : les privations, la mort, l’inhumanité… Cette sombre période la hante encore, comment pourrait-il en être autrement ?

Née à Épinal, Marceline a été déportée à l’âge de 15 ans en même temps que son père. Placés dans deux camps différents, ils ont (sur)vécu (comme tant d’autres) dans les horreurs des camps : témoins de scènes affreuses, victimes de sévices, maltraités, humiliés... Les deux camps étant proches, elle a pu apercevoir son père à plusieurs reprises : les quelques échanges qu'ils ont partagés sont parmi les plus inestimables et émouvants. Marceline revit avec intensité certains souvenirs (très) douloureux.

Dans les méandres de son esprit, j’ai été bouleversée de lire ses mots : de sa vie au camp à sa vie après. Elle raconte à son père leur famille : ce que chacun est devenu suite aux traumatismes de la guerre ; et son devenir à elle, ce qu’elle a accompli poussé par ce vécu si pénible. Elle a continué à vivre avec une peine immense en elle, vis-à-vis de son père, celui qu’elle n’a jamais revu après la guerre... mais aussi pour tous ceux qui ont été touchés par toute cette violence. Les répercussions de la guerre, des camps de concentration, ne touchent pas seulement les survivants, mais aussi le cercle familial, les proches.

La philosophie de vie de marceline se résumait à vivre l’instant présent ; et en profiter, même si cela était difficile... car on peut se demander si elle était vraiment revenue des camps ? Physiquement oui ; psychologiquement, pas tout à fait. J'ai apprécié la justesse et la pudeur de son récit. J'y vois beaucoup d'authenticité ; elle ne cherche pas à enjoliver  ou à mettre sous silence certaines choses. Elle raconte tout cela avec une sincérité poignante.
Décédée en 2018, Marceline laisse donc derrière elle ce précieux témoignage, tout aussi nécessaire qu’éprouvant. Pour ne jamais oublier.

***

Intéressé.e par ce livre ? Vous pouvez le trouver ici → https://amzn.to/3PTDFVw