"Héloïse" d'Ophélie Cohen

Genre : Roman, Thriller

Résumé :
« Toutes les femmes ont une histoire. La mienne est plutôt moche. »
À la veille de ses trente ans, au cours d’une nuit entourée des fantômes de son passé, Héloïse va se dévoiler. Portée par les souvenirs et les remords, elle ouvre la boîte de Pandore.
Héloïse est comme poursuivie par un malheur qui sait toujours où la retrouver : une enfance traumatisée, ballottée de foyers en familles d’accueil, et les décès, les uns après les autres, des êtres qui lui sont chers. Oscillant sans cesse entre ombre et lumière, elle nous amène à nous questionner sur nos propres zones grises.
Noir, intime et dérangeant, un roman à la fois sombre et lumineux dans lequel les émotions sont à fleur de mots.

Extrait :
"Toutes les femmes ont une histoire.
La mienne est plutôt moche.
Ce soir, seule dans la chambre de mon meublé miteux, j'ai décidé de me confier.
Expier mes péchés.
Exorciser la douleur.
Et regarder en face les cadavres que j'ai laissés derrière moi...
[...]
Devant ma psyché, je regarde le reflet de cette personne que je ne reconnais pas. Une jeune femme que l'on dit séduisante et qui a toujours le sourire aux lèvres. Des yeux verts, rieurs. De longs cheveux blonds. Une bouche finement ourlée.
Mais moi je sais ce qui se cache derrière son masque de fraîcheur et de joie de vivre : des cicatrices si profondes qu'elles dégoulinent encore de son malheur et de sa douleur. Des blessures béantes qui suintent et inondent ses yeux de larmes.
Cette nuit, je vais vous offrir un billet pour aller sans retour dans le passé.
Mon passé."

Mon avis :
Désespérée, Héloïse fait un bilan de sa vie alors qu'elle pense qu'elle est arrivée au bout de son chemin. À trente ans à peine, son vécu est très lourd, fait de blessures, de traumatismes. Elle veut tout confier pour, peut-être, trouver un peu de sérénité dans son chaos. 

Dans ce roman, j'ai découvert une jeune femme meurtrie et esseulée qui ne supporte plus celle qu'elle est au point de vouloir disparaitre définitivement. Elle ne s'est jamais aimée, n'a jamais eu vraiment de considération pour elle-même. Elle m'a semblée comme un petit animal sauvage et effrayé : sur la défensive en permanence, prête à fuir ou à mordre. Héloïse raconte son histoire, de sa naissance jusqu'au moment présent. Elle confie ses souffrances, son existence misérable et ce qui l'a poussée à faire parfois de mauvaises choses. Héloïse parait effrayée du monde, des autres, mais aussi et surtout d'elle-même. À travers son discours, j'ai fait la connaissance des personnes qui ont croisé sa route, plus ou moins longtemps. Certains sont détestables, d'autres plus touchants. Héloïse, elle, est très attachante.

Insidieuse, l'intrigue dévoile lentement la vie d'Héloïse, racontée par elle-même, sans filtre mais avec une certaine pudeur. La jeune femme est mal-née ; depuis le début, tout s'est mal passé pour elle. La souffrance s'est encrée en elle depuis les premières minutes de sa vie, elle n'a pas été épargnée ni été correctement soutenue ou aidée. Manquant de repères, de stabilité, elle se construit au fil des années avec une rage qui gonfle en elle. Dans une ambiance sombre, j'ai été témoin de tous les moments de sa vie ; j'ai ressenti ses émotions. Elle passe par des instants de haine féroce, elle s'auto-détruit, ne veut pas s'attacher mais aimerait tellement pouvoir (et savoir) lâcher prise. Elle parle du mal qu'on lui a fait mais aussi de ce qu'elle est capable de faire ; de ce qu'elle a déjà fait. Comme un long compte-à-rebours, on arrive à la fin, à l'échéance, au dénouement...

Émouvante, cette lecture est assez bouleversante car Héloïse peut (malheureusement) être identifiée à des personnes qui ont vécu (vivent) des choses similaires : c'est réaliste. Je me suis sentie frustrée, triste, pour elle, par le manque qu'elle ressent, comme si elle avait toujours joué de malchance. Je me suis dit que dans telle ou telle situation, quelqu'un aurait pu l'aider, l'accompagner vers ce dont elle avait besoin. Mais elle est passée entre les gouttes, invisible. Alors que sa santé mentale était déjà fragile, les étapes de son enfance ne l'ont pas aidée à aller mieux, ni à se construire comme une personne stable. Elle n'a (presque) pas eu l'opportunité de s'améliorer - ou ne savait simplement pas comment saisir les rares perches tendues. J'ai ressenti de la sympathie pour elle même si cela est épuisant de s'imaginer à sa place. Malgré ses décisions ou certains actes, je ne l'ai jamais jugée. On peut même comprendre ses réactions. La vie d'Héloïse, un drame qui donne à réfléchir sur la construction de l'enfant, les troubles psychiques et le rôle de la société. J'ai bien aimé la construction du roman : le déroulé chronologique ponctué de moments au présent - des morceaux de musique et une narration qui donne vraiment l'impression d'être dans la tête d'Héloïse. Fluide, la plume d'Ophélie Cohen m'a emportée dans les méandres de la jeune femme avec un style piquant. 

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