"Séisme" de Lison Carpentier

Résumé :
Lucie Vernois est une femme mariée et mère attentionnée de deux enfants, Tom, six ans et Mila, dix-huit mois. Elle vit dans un pavillon en région parisienne et exerce le métier de chargée de clientèle en assurance. Un matin d'été caniculaire, elle arrive en retard et contrariée sur son lieu de travail : le réveil des enfants a été mouvementé et elle a appris la veille que Tom, son aîné, souffre d'un trouble sévère de l'attention. L'état de son fils nécessite un suivi médical conséquent auprès de spécialistes. En manque de soutien, délaissée par un mari trop souvent absent, Lucie s'inquiète de devoir gérer seule cette situation contraignante, l'obligeant à de nombreux déplacements pour des rendez-vous médicaux. Anxieuse, imaginant sa vie familiale bousculée et ses projets d'évolution de carrière remis en question, elle ne se trouve pas aussi efficace qu'elle le devrait dans son travail et la matinée, cette matinée là, s'étire interminablement. Lucie s'attend à ce que sa vie soit bouleversée mais ne s'imagine pas à quel point le destin se joue d'elle.

Extrait :
"Ce matin là, peu avant neuf heures, la ville semble s’être assoupie telle une femme lascive sur un tableau de Gauguin. Elle en porte les courbes tracées à l’encre flamboyante des toitures ondulantes sous les rayons d'un soleil déjà ardent, accompagnant les méandres nonchalants du cours d’eau voisin. La vague de chaleur interminable l’enveloppe dans une indolente rêverie, une bulle où tout semble en apesanteur, comme une parenthèse d’inertie au cœur de l'été.
Les habitants se calfeutrent derrière leurs volets clos, s’isolent du monde alentour et attendent, amorphes, les prémices d’une atmosphère plus respirable. La chaleur, comme un mur invisible, affecte les échanges, dissout les liens, prohibe les contacts. Quelques commerces du centre-ville ferment leurs portes en raison de la canicule qui frappe le pays depuis maintenant plusieurs semaines. Certains, comme le boulanger, ouvrent de façon exceptionnelle uniquement le matin. La compagnie d’assurance, quant à elle, reste ouverte la journée complète: le bâtiment correctement climatisé peut recevoir la clientèle et ses quatre employés dans des conditions enviables."

Mon avis :
Dans une société où l'on doit assurer sur tous les fronts, Lucie s'affole lorsque son fils est diagnostiqué hyperactif. Elle le sait : elle devra gérer l'organisation, les rendez-vous médicaux... cela en plus d'un quotidien déjà bien chargé. Prise dans ses pensées, on sent un état mélancolique s'installer. Devant le désarroi de cette mère, comment ne pas compatir ?

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de Lucie, une femme d'une trentaine d'année. Mariée, elle a deux enfants - Tom, 6 ans et Mila, 18 mois. Elle travaille dans une compagnie d'assurance où l'on est loin d'une ambiance bienveillante. J'ai senti la pression du chiffre, le rendement, la concurrence pour se faire bien voir et gravir les échelons. À cette tension quotidienne s'ajoute son rôle de maman, où elle n'est pas vraiment secondée : mari qui fait de grosses journées, famille éloignée. Les problèmes de comportement de Tom ont désormais une explication ; et le soulagement n'en est pas un puisque cela implique de nouvelles procédures, des futurs multiples rendez-vous. L'épuisement guette cette jeune femme qui prend pourtant soin de tout bien faire dans l'intérêt de ses enfants.

Intriguant, ce récit m'a placée dans la tête de Lucie. J'ai pu découvrir des moments types de ses journées. Au bureau, avec ses entretiens chronophages et ses collègues peu avenants ; même si elle veut évoluer, son poste ne semble pas la passionner, elle n'a pas l'air de s'épanouir. À la maison, seule avec les enfants, elle gère l'alimentation, le ménage, les lessives. Elle a des routines bien à elle, parfois fragilisées avec Tom qui peut se montrer très agité. Je n'ai pu que ressentir de l'empathie pour elle face à sa situation où l'on sent pointer la dépression. Dans une ambiance aussi pesante et étouffante que la météo au moment des faits, j'ai été inquiète pour Lucie. Plus j'ai avancé dans ma lecture, plus j'ai senti le brouillard monter ; Lucie semble perdre le fil et c'est perturbant. Un sentiment d'urgence s'installe, faisant craindre le pire... Le dénouement arrive sans surprise (je l'avais deviné), il répond à toutes les questions et laisse songeur.

Plongée dans les méandres de la jeune femme, j'ai lu avec avidité de roman qui peut faire écho à n'importe qui. La charge mentale évoquée ici sans être nommée est le fardeau de Lucie et elle ne semble pas avoir conscience de la tourmente dans laquelle elle s'enfonce un peu plus à chaque instant. Avec ce sentiment d'abandon, Lucie revoit tout ce qu'elle doit faire, mais parait s'embrouiller au fur-et-à-mesure. La construction du récit accentue cette impression de flou : on passe de moments à son bureau à ses tâches à la maison, on n'avance pas vraiment dans le temps alors qu'il file. Cela devient de plus en plus oppressant et visible. L'hypothèse que j'avais alors imaginée au départ s'est effectivement réalisée. Et même en le sachant, j'ai lu avec intérêt jusqu'au bout que j'ai trouvé que l'interprétation des pensées, des actes était bien transcrite. Sur le fil entre réalité et folie, le malaise croissant : tout est perceptible, intense. Si l'histoire est bien fictive, elle pourrait être le reflet d'évènements qui se sont réellement déjà produits. Visuelle et plaisante, la plume de Lison Carpentier m'a complètement happée dans ce livre.

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Service Presse
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