"La maison des mensonges" de John Marrs

Résumé :
La vie de Nina est réglée comme un métronome : le matin, elle va travailler à la bibliothèque et le soir elle retrouve sa mère Maggie, avec laquelle elle vit depuis toujours. Nina prépare le repas et les deux femmes dînent paisiblement. Un quotidien parfaitement banal. Mais un détail jette une ombre au tableau : le pied de Maggie est attaché à une lourde chaîne qui l'empêche d'atteindre la porte de la maison. Et cette chaîne, elle ne la quitte jamais, pas même quand elle dort dans le grenier, parfaitement insonorisé. Docile, Maggie accepte tout : les privations, les punitions et la solitude. Car ce qu'elle a fait à sa fille, des années auparavant, est impardonnable et elle doit en payer le prix. Mais il y a beaucoup de secrets que Nina ignore et que sa mère n'a pas l'intention de lui révéler. Parce que dans cette maison, la vérité est plus dangereuse que le mensonge...

Extrait :
"On ne peut pas me voir, à l'endroit où je me tiens, là-haut, dans le nid-de-pie. Aucun passant ne peut me voir de la rue. Je le sais, parce que j'ai dû faire signe de la main à mes voisins des centaines de fois, et ils ne m'ont jamais répondu. Je suis, pour ainsi dire, invisible pour le reste du monde. Je n'existe pas, j'ai expiré, je suis un fantôme.
Je ressemble probablement à un fantôme, d'ailleurs, debout derrière ces volets qui tamisent la lumière filtrant dans ma chambre et font de moi une ombre. Quand les réverbères ne sont pas allumés au-dehors, on croirait le crépuscule ici, même par la journée d'été la plus ensoleillée. C'est pourquoi chaque fois que je m'aventure en bas, je suis obligée de plisser les yeux jusqu'à ce qu'il s'habituent à la luminosité. Quand les volets ont été installées, ils m'ont tout d'abord donné une sensation de claustrophobie ; c'était comme une barrière entre le monde extérieur et moi. Cependant, je m'y suis habituée. Avec le temps, je finis par m'habituer à presque tout. Je suis comme cela ; j'ai appris à savoir m'adapter."

Mon avis :
Maggie et Nina, mère et fille, vivent sous le même toit et l'on pourrait croire que tout est parfaitement normal si l'on oubliait la chaine qui retient Maggie prisonnière dans le grenier. Invisible aux yeux du monde, Maggie accepte ce mode de vie sans broncher - ou presque, comme si elle le méritait. Est-ce le cas ? Qu'a pu faire cette femme pour tomber dans l'indifférence ? Quelle fille peut infliger cela ? Au fil des années, les mensonges ont bâti les remparts de cette prison. Comment les briser ?

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de Maggie, la soixantaine ; et de de Nina, 38 ans. Elles ont toujours vécu ensemble dans leur maison qu'elles n'ont jamais quittée, et qu'elles ne quitteront jamais. Après une carrière dans le domaine médico-social, Maggie a été forcée de tout abandonner deux ans plus tôt. Cette femme parait plutôt équilibré et bienveillante ; elle a envie de protéger sa famille. Enchainée dans le grenier, elle ne partage que quelques moments avec sa fille et observe ses voisins depuis sa fenêtre. Discrète, Nina travaille dans une bibliothèque et passe le reste de son temps à la maison pour veiller sur sa mère. Bien que gentille en apparence, elle a pourtant le mauvais rôle dans l'intimité. Étranges, les deux femmes ont trouvé un certain équilibre dans leur relation malsaine. Il est difficile de se faire une idée sur la personnalités des deux tant elles s'avèrent mystérieuses. Difficile donc de s'attacher à l'une ou l'autre, et pourtant, j'ai pu ressentir de l'empathie pour elles.

Entrainée dans ce diabolique huis clos, j'ai observé la situation actuelle avec étonnement. Intriguée, j'ai été curieuse d'en savoir plus sur le fonctionnement de cette famille atypique et défaillante. Après un état des lieux, j'ai commencé à remonter le temps lors d'événements qui, progressivement, expliquent ce qui a conduit à ces circonstances anormales. Avec ambivalence, je n'ai cessé de balancer vers l'une ou l'autre : qui est la victime ? Qui est la méchante ? Peut-on simplement désigner l'une ou l'autre responsable de cette manière de vivre ? Dans une ambiance pesante, l'histoire complexe de Maggie et Nina s'avère sensible, peu commune et dramatique. Tenue en haleine, j'ai suivi avec avidité les péripéties des deux femmes. Bien que leur quotidien soit millimétré, un petit grain de sable pourrait bien courir à leur perte. Mais reste à savoir pour qui le danger est vraiment réel. Après diverses découvertes, j'ai découvert le dénouement avec satisfaction.

Ce sombre thriller est un coup de cœur ! J'ai adoré cette histoire du début à la fin. J'avais la sensation d'être dans des montagnes russes. La découverte de Maggie et Nina, leur personnalité et leurs actes est passionnante - bien que très troublante (voir effrayante !). Les motivations évoquées par l'une et l'autre semblent égoïstes, cruelles - inimaginables. Et pourtant, elles sont la conséquence d'un infernal effet domino qui a débuté il y a des années. Pour autant, est-ce que les agissements de l'une méritaient un tel retentissement de la part de l'autre (et  inversement) ? Et plus le temps passe, plus les réactions deviennent disproportionnées. Grâce à un récit à deux voix (entre présent et passé), j'ai pu naviguer de Maggie à Nina avec facilité, ce qui m'a permis de connaitre leur point de vue, mais aussi leurs émotions. Avec une atmosphère lugubre, j'ai trouvé que l'histoire était bien construite, avec un effet explosif tant les révélations sont saisissantes. Bien entretenu, le suspense ajoute un effet addictif à la lecture et il est alors difficile de lâcher le livre avant la fin. Soignée, la plume de John Marrs est captivante.

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