Il était fait pour moi. Deux mètres quatre-vingt sous plafond. Habillé de moulures. Les murs biscornus. Deux fenêtres comme deux grands yeux, plongeant sur un jardin suspendu. Un parquet vitrifié qui grince sous le pied. Une petite bibliothèque cachée dans le mur, comme un secret. Le sol pas vraiment droit, mais c’est ce qui fait le charme. Petit, cosy. À deux pas d’Opéra. Le loyer en dessous du marché.
J’avais alors, encore toute ma raison…
Extrait :
"Ça fait des jours que j’attends un retour de Maigrelet. Le suspense est à son comble, quand je reçois un mail. Expéditeur, Cabinet Menard. Je retiens mon souffle. J’ouvre la pièce jointe rattachée au message, le cœur battant. Je parcours la lettre, la gorge serrée, persuadée d’être encore recalée. Je la lis plusieurs fois. Pour être certaine d’avoir bien compris. Mon dossier est accepté. J’emménage dans deux mois !
J’étais sur le point de quitter mon métier à regret et de repartir en province, ne pouvant plus supporter d’habiter aussi loin de mon lieu de travail. L’appartement qui ne devait être qu’un dépannage, s’est transformé en un long-séjour de presque deux ans. Prisonnière de ces bras bétonnés, sales, qui percent le sol, cachent le soleil. Quand un ami, d’un ami, lui a parlé de Bidule, qui quittait son logement. Bien évidemment que c’était un signe ! Cet appartement était fait pour moi."
Mon avis :
Ravie d'avoir trouvé la perle rare en plein Paris, Anna met en place une nouvelle routine dans son logement. Mais rapidement, des bruits à répétitions la gêne, au point d'avoir un impact sur son quotidien. Jusqu'où ce désagrément va-t-il l'entrainer ?
Dans ce court roman, j'ai rencontré Anna, une jeune femme proche de la quarantaine. Vivant seule, elle trouve enfin un logement non loin de son travail, lui permettant d'optimiser son temps de trajet et d'avoir une meilleure qualité de vie. Enjouée, elle apprécie son petit appartement dans un joli immeuble avec peu de voisins. Discrète, elle prend doucement ses marques lorsque des bruits répétitifs se font entendre. Patiente, elle cherche d'où ils proviennent et trouve des solutions pour gérer ce souci. Toutefois, cela n'est pas suffisant et au fil du temps, les bruits s'installent durablement, s'intensifient et sa santé mentale décline... Anna soupçonne les voisins : est-ce la voisine fluette du dessus ? Le vieux grincheux du dessous ? L'étrange gardien qui la trouble ? Que se passe-t-il dans l'immeuble ?
Un peu en huis clos, cette histoire m'a placée au plus près d'Anna puisque c'est elle la narratrice. Comme un journal intime qu'elle écrit, j'ai pu lire ses émotions et ses humeurs qui se dégradent au fil du temps. D'enthousiaste, elle se sent de plus en plus à bout de nerf et les conséquences ne tardent pas à apparaitre : emportement au travail, fatigue excessive, colère, panique. La situation devient de plus en plus tendue et ingérable, le climat s'assombrit, le malaise est palpable. Je me suis posée des questions sur les voisins : certains rôdent et s'avèrent inquiétants. À moins que le point de vue d'Anna soit biaisé ? Entrainée dans les méandres de la jeune femme, j'ai été curieuse de savoir comment tout cela allait se terminer. J'ai ressenti de l'empathie car cela peut arriver à tout le monde, et cela devient vite insupportable. Surprenant, le dénouement laissera le lecteur haletant.
J'ai bien aimé cette courte histoire qui emmène le lecteur aux frontières de la folie. Dans la tête de la jeune femme, on voit l'effet qu'un simple détail peut avoir au quotidien : un bruit. BOUM BOUM. Régulier. BOUM BOUM. Qui cesse quand on y prête attention. BOUM BOUM. Qui provoque des tensions dans l'immeuble. BOUM BOUM. Dégrade les relations de voisinage. BOUM BOUM. Empêche de profiter de son logement, d'être au calme. BOUM BOUM. Un bruit qui fait apparaitre de l'appréhension, de la crispation à l'idée qu'il revienne. BOUM BOUM. Dont l'origine est indéterminée. BOUM BOUM. Insaisissable... BOUM BOUM. Fait basculer dans la démence. BOUM BOUM. J'ai particulièrement apprécié le final qui hante, comme le bruit... parce que... BOUM BOUM. Plaisante, la plume de Marine Monville est immersive et prenante.
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