
Le 16 octobre 1984, les gendarmes repêchent dans une rivière des Vosges le corps sans vie d'un enfant de quatre ans, Grégory Villemin. Son bonnet est rabattu sur son visage, ses pieds et ses mains sont liés. Le lendemain, une lettre anonyme arrive au domicile de ses parents. Tout est hors norme dans cet assassinat. La victime est un enfant qui jouait sur un tas de gravier devant chez lui. Le meurtrier revendique son crime avant même de l'avoir commis. Il n'y a aucun mobile évident : les parents de Grégory sont un jeune couple d'ouvriers, amoureux et sans histoires.
Un premier suspect, Bernard Laroche, un cousin du père, est arrêté puis relâché. Pour le défendre, ses avocats détournent l'attention vers la mère de l'enfant, Christine Villemin. Sous pression, rendu fou par les manœuvres et la rumeur, Jean-Marie Villemin se rend chez Laroche pour tenter de le faire parler. Il le tue.
La victime devient alors coupable. En prison, Jean-Marie Villemin effectue un long chemin intérieur. Lors de son procès, son humanité et celle de sa femme bouleversent les jurés. Des années plus tard, la justice a reconnu ses erreurs, présenté des excuses officielles à Christine Villemin et réparé son préjudice. Quarante ans après, l'affaire est toujours en instruction. Grâce aux parents de la victime, des moyens judiciaires importants sont mobilisés pour trouver le ou les coupables.
Extrait :
"Un anéantissement total. Voilà ce que Christine et moi ressentons après l'assassinat de notre petit Grégory le 16 octobre 1984. Un corbeau dont nous ne connaissons toujours pas l'identité a tué notre fils de 4 ans pour me « faire mourir de chagrin ». [...]
La justice est devenue folle, les médias se sont emballés. Nous étions dans cette tornade, comme des enfants écrasés de chagrin. J'ai craqué, j'ai pris la vie de mon cousin, je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant. La vengeance n'est pas une solution, même si vous êtes convaincu d'être en face de l'homme qui a enlevé votre fils, de l'homme font vous pensez qu'il a été son bourreau... Car il faut vivre avec ce poids-là. J'ai mûri, j'ai appris, je me suis apaisé et je sais le prix de la douleur et des larmes."
Mon avis :
Qui ne connait pas la tragique histoire du petit Grégory et le déferlement médiatique et judiciaire qu'elle a provoqué ? Dans la vallée de la Vologne, les proches de la famille Villemin entretiennent des rapports tendus depuis des années. Les différentes rivalités et jalousie ont provoqué un fort sentiment de haine envers Christine et Jean-Marie Villemin. Harcelés par un corbeau depuis le début des années 80, une menace insaisissable pèse sur eux. Ils ne s'attendaient pourtant pas à ce que le Mal les frappe de cette terrible manière.
Après la mort du petit garçon, les soupçons se tournent vers Bernard Laroche, le cousin de Jean-Marie Villemin, grâce à des éléments recueillis mais aussi au témoignage de Murielle Bolle. L'homme est mis en examen avant d'être relâché ; sa nièce s'est retractée et le juge Lambert le pense innocent.
En fil rouge, les journalistes, avocats et juge s'expriment sans retenue ; les informations fuitent, s'échangent et attisent les rancœurs. Jean-Marie Villemin tue alors son cousin, persuadé qu'il est l'assassin de son enfant. À son tour enfermé, il fera face à la justice pour ce crime étroitement lié à celui de Grégory. Pour juger Jean-Marie Villemin, il faut se (re)plonger dans l'affaire Grégory qui ne trouve pas d'issue.
Dans ce roman graphique, nous nous trouvons du point de vue de Jean-Marie Villemin depuis la disparition de Grégory jusqu'au milieu de son procès. Il fait des allers-retours dans le temps : entre 1984 et 1993. Ces années difficiles pour le couple ne les éloigne pas mais les renforce. Soudés, ils font face à tout : négligences, médisances, accusations, injustices ; journalistes harcelants. Cet ouvrage transmet les sentiments ressentis par Jean-Marie Villemin : sa détresse, son impuissance. Il passe par toutes les émotions : colère, tristesse, désespoir... et montre que sa femme a été tout autant impactée. L'utilisation d'images ajoute du poids aux mots : les illustrations sont très réussis tant au niveau des personnages que des lieux. Cela rend l'histoire davantage bouleversante.
Cet opus se termine avec une mention "à suivre" qui annonce un autre ouvrage pour poursuivre l'introspection débutée.
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