"Là où règnent les baleines" de Jolan C. Bertrand

 
Résumé :
Roanne adore les romans d'horreur et la natation synchronisée, d'accord, mais elle avait vraiment d'autres projets que de partir passer l'été chez son oncle Kierzic, qu'elle ne connaît même pas ! Ce type aussi grincheux que mystérieux vit en solitaire dans un phare planté au large de la côte Atlantique, avec pour toute compagnie une mouette rieuse et les rumeurs de l'océan. Dès son arrivée, Roanne est déterminée à s'en aller au plus vite de ce tas de caillou désert. Désert, vraiment ? Dans la bourgade du coin, on raconte que des naufrages auraient lieu les soirs de pleine lune. Au même moment, un bateau de pêche est porté disparu. Et d'où vient cette voix d'enfant qui l'appelle chaque nuit ? Plus le temps passe, plus Roanne se demande si Kierzic ne serait pas un...

Extrait :
"Si la vie de Roanne avait été un film, il y aurait eu un arrêt sur image au moment exact où, au beau milieu de la nuit, elle bascula tout habillée d'un ponton branlant dans les eaux noires et glacées de l'Atlantique. Avec gros plan sur sa grimace d'horreur, histoire de permettre au public d'admirer ses cheveux frisés, sa peau brune, ses joues rondes, ses yeux marrons et sa carrure de déménageur breton. Puis la voix de Roanne aurait dit quelque chose comme :
« Ça, c'est moi. Vous vous demandez sans doute comment je me suis retrouvée dans cette situation. Eh bien, tout a commencé lorsque ma mère a eu l'excellente idée de m'expédier pour tout l'été chez un vampire-loup-garou-naufrageur ! »
Puis le film aurait rembobiné pour bien montrer qu'on retournait en arrière. Il y aurait sans doute eu un plan aérien sur un vieux TER brinquebalant qui s'éloigne d'un quai de gare sous la pluie. Et sur ce quai de gare, on aurait vu Roanne serrant sa valise contre elle. Un sous-titre aurait annoncé qu'on était « deux semaines plus tôt », et la voix off serait revenu pour nous dire que :
« C'était le premier jour des vacances de la disgrâce, et mon oncle était en retard... » "

Mon avis :
Envoyée chez son oncle qu'elle n'a jamais vu, Roanne peste sur le quai de la gare. Que va-t-elle faire de ses vacances perdue sur l'île de Kierzic ? Et quelle est cette légende sur les disparitions de bateaux ? Son arrivée n'est pas des plus idéale et lorsqu'elle comprend que l'île en question est encore plus spartiate que ce que Kora, sa mère, lui avait annoncé, c'est la déprime. Heureusement, Roanne a ses livres et son imagination débordante. Très vite, elle trouve un intérêt à percer le mystère de l'île et de son oncle... Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne sera pas déçue du voyage !

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de Roanne, une adolescente de 13 ans, qui va passer ses vacances chez son oncle Kierzic. La jeune fille le voit comme une punition, tandis que Kora se dit que c'est une expérience enrichissante. Sincère et spontanée, Roanne découvre son oncle : un homme étrange, solitaire, taiseux et peu avenant... un peu comme les habitants du village le plus proche de l'île. Sur cette impression déstabilisante, elle découvre l'île... qui ressemble plus à un gros caillou sur lequel un phare instable et inactif est posé ; il n'y a pas d'électricité, ni confort moderne dans la petite habitation. Effarée, Roanne se demande comment elle pourra survivre... mais sa curiosité est aussi piquée : qui est vraiment son oncle ? Pourquoi parle-t-on de phare aux sirènes, de naufrageur ? Quel secret cache-t-il ? D'autres personnages viendront à la rencontre de Roanne, des créatures étonnantes et attachantes (je n'entre pas plus dans le détail pour laisser la surprise aux futurs lecteurs)

Prenante, l'intrigue m'a emportée aux côtés de Roanne dans ce périple qui la changera à jamais. Débrouillarde et courageuse, elle n'hésite pas à passer à l'action quand il le faut. Ainsi, elle guette son oncle, ses allers et venues ; et sort pour trouver la petite voix qui l'appelle... Y aurait-il un enfant sur l'île ? Pensant que son oncle est une drôle de créature, elle se met en danger sans le vouloir... et découvre alors la vérité. J'avais pu faire mes hypothèses avec Roanne et j'ai été tout autant étonnée qu'elle lorsque Kierzic a expliqué ce qu'il se passait sous l'océan. Peu après, l'atmosphère devient pesante et inquiétante ; Kierzic sent un danger arriver. Des évènements se produisent, l'île réputée introuvable est approchée par d'autres personnes. Que veulent-ils ?  Le secret de Kierzic et de sa famille doit être protégé. Il faut gérer aussi ce qu'il se passe sous l'eau... Roanne va alors se lancer dans l'aventure, fascinée et touchée par ce qui se joue sous ses yeux. Après des rebondissements riches en émotion, j'ai découvert un dénouement plaisant qui clôture bien l'histoire.

Ce livre s'adresse aux adolescents, mais il est aussi accessible pour les adultes. Je ne l'ai pas trouvé enfantin, au contraire : il suscite la réflexion en abordant la différence, l'acceptation, la tolérance, la préservation de l'environnement, des océans. Des sujets (d'actualité) qui parlent et concernent tout le monde, un peu comme un dessin animé type Disney ou Pixar. Toutefois, le récit ne tombe pas dans des clichés trop faciles (comme la créature laide et méchante ou la belle et gentille princesse), c'est bien dosé. Je me suis attachée aux protagonistes : Roanne, l'adolescente un peu bougonne mais tellement bienveillante. Kierzic, décalé et étrange, a un cœur en or. J'ai aimé leur tempérament et leur authenticité. Beaucoup de tendresse émane de l'histoire, mais elle comporte aussi du suspense, entretient le mystère et tient en haleine. Riche et passionnant, le roman est à la fois léger, dramatique et il ne manque pas d'humour. Visuelles, les descriptions aident à se représenter l'univers de l'auteur (notamment le monde des créatures). Le texte a la particularité d'être imprimé en bleu, un joli clin d'œil ; on trouve aussi un extrait du journal de Kierzic où il y a quelques illustrations qui permettent de se projeter davantage. Un très bel ouvrage en somme, tant sur le fond que la forme : j'ai passé un excellent moment avec cette œuvre de Jolan C. Bertrand que j'ai lu d'une traite.

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