"Notre petit secret" de Pierre Vergeat

Résumé
Au cœur des mystérieuses Pyrénées, dans le village de Sombreval, vit Fanny, gendarme marquée par la tragédie, qui tente de se reconstruire après la perte de son fils et la mutilation qui a bouleversé sa vie.
Une nuit, un inquiétant inconnu pénètre de force chez elle et lui fait une confidence aussi choquante que glaçante : il avoue le meurtre d'Osana Storm, une jeune fille disparue dix ans plus tôt et retrouvée saine et sauve deux ans après. Problème, Osana est pourtant bien vivante et semble mener une vie normale avec son mari et ses deux enfants.
Commence alors pour Fanny une enquête obsédante pour démêler le vrai du faux, et un retour sur le terrain, elle qui avait été reléguée dans l’ombre à cause de son apparence par sa propre brigade.
Seule avec les fantômes de son passé, la gendarme va devoir plonger dans les méandres d’un labyrinthe complexe où mensonges et vérités s'entremêlent, pour enfin lever le voile sur une énigme gangrénée par de lourds secrets.

Extrait
"Alexandre Ferreira était à moitié inconscient.
[…]
- Osana… je m’en suis… débarrassée…
Un frisson glacial parcourut Fanny.
- C’est pour ça… Suis en danger…
La gendarme se releva enfin, terrifiée par les paroles de cet inconnu. Était-il en plein délire ou bien venait-elle d’assister aux aveux d’un criminel sous son toit ?
Elle qui pensait avoir tourné la page de l’affaire Osana Storm ; cette adolescente portée disparue, qu’on avait retrouvée deux ans plus tard sur le quai d’une gare.
Tout ça n’avait aucun sens.
- Vous l’avez tuée ? Vous avez tué Osana ?
La douleur le faisait divaguer. Il chassait de ses bras des ombres invisibles.
- Où est Osana ? Que lui avez-vous fait ?
En temps normal, crier était insupportable pour Fanny, mais à cet instant, l’adrénaline la détournait de la douleur. Il fallait qu’elle s’assure qu’Osana ne courait aucun danger. Elle se précipita dans sa chambre où se trouvait son pistolet. Son portable en main, elle composa le numéro de son service pour les prévenir de la situation."

Mon avis
Au beau milieu d’une nuit, un homme blessé s’introduit chez la gendarme Fanny Tommaso : il lui avoue le meurtre d’Osana Storm une dizaine d'années plus tôt. Cette annonce fait l’effet d’une bombe pour Fanny puisque cette affaire, elle la connait très bien pour l'avoir menée et elle a été classé après que la jeune fille disparue ait été retrouvée vivante ! Elle se replonge dans un passé où elle n’était encore pas blessée, où elle était encore mère et épouse. Ces nouvelles investigations vont apporter un nouvel éclairage, donner raison à Fanny sur certains points mais aussi l’entrainer dans ses méandres à la recherche de son fils, Théo. Qui est cet homme, Alexandre Ferreira ? Quel est son lien avec Osana ? Qu’en est-il réellement de la jeune femme ? Que lui est-il arrivé à l’époque ? Qui est la femme qui se prétend Osana si ce n’est pas elle ? Un véritable ballet de questions qui attendent leurs réponses…

Dans ce roman, j’ai donc fait la connaissance de Fanny Tommaso, une gendarme expérimentée et déterminée. Un terrible drame a bouleversé toute son existence : un incendie durant lequel elle a été grièvement blessée en tentant de sauver son fils. Celui-ci a été déclaré mort mais Fanny ne peut pas croire en sa mort : aucun corps n’a été retrouvé. Dans l’impossibilité de faire son deuil, elle garde espoir de rouvrir une enquête malgré l’évidence. Aujourd’hui divorcée, elle travaille toujours dans la même brigade, dirigée par le capitaine Etcheberry, mais se cantonne à des dossiers simples, basiques et sans risque. Ses collègues ne sont pas tendres avec elle, mais elle peut compter sur Idris ; et parvient à travailler avec Matthias Bernal. Durant son enquête, elle va reprendre contact avec la famille Storm ; des proches du collège d’Osana mais aussi une organisation étrange qui n’avait pas été mentionnée à l’époque, le Nouveau Berceau, construite par Bastien Messena. Tous les personnages sont ambivalents et l’on a du mal à se faire une idée précise sur eux car on ne les sent pas « tout noir ou tout blanc ». J’ai aussi eu parfois du mal avec Fanny qui se montre pénible quand elle rattache la moindre chose à Théo et en même temps, j’admire sa force.

Entrainante, l’intrigue vient susciter l'intérêt dès les premières pages avec l’aveu d’Alexandre Ferreira qui disparait aussitôt après. Autorisée à reprendre le dossier, Fanny se (re)lance dans cette enquête qui avait fait beaucoup de bruit et qui aurait pu coûter sa carrière puisqu’elle avait fait du zèle au retour d’Osana, persuadée que la jeune fille n’était pas Osana… Avait-elle raison depuis le début ? Bien résolue à avoir le fin mot de cette histoire, elle va se lancer dans des investigations minutieuses, quitte à se mettre en danger. Mais le résultat est là : elle a de nouvelles pistes, des indices qui n’ont pas été connu à l’époque. Dans une ambiance sombre, les éléments recueillis troublent Fanny car cela amène davantage d’interrogations. L’affaire est bien plus complexe que ce qu’elle avait imaginé et emmêlé entre le passé et le présent, il est très difficile de saisir les liens entre les lieux, les personnages et Osana. Ajouté à cela son fils qu’elle ajoute dans ses hypothèses et cela devient encore plus délicat. Physiquement, psychologiquement, Fanny va se retrouver confronter à des situations pénibles, voire insupportables mais son fort caractère lui permet de tenir jusqu’aux révélations qui arrivent enfin et dévoilent une vérité atroce. Même si j’avais deviné une partie du dénouement assez tôt, je n’avais pas toutes les réponses. La conclusion laisse présager une suite.

Globalement, j’ai plutôt bien aimé cette enquête qui retourne le cerveau et attise la curiosité au démarrage. Bien construit et dynamique, le récit évoque l’enquête présente mais fait également des sauts dans le passé qui montrent au lecteur des bribes de scènes angoissantes et alarmantes. Pour autant, il n’est pas aisé de faire un lien franc avec le présent car il manque des informations. Le suspense, bien entretenu, permet d’accentuer l’intérêt du lecteur pour l’histoire : difficile donc de lâcher le livre. Avec une atmosphère pesante, j’ai aimé faire mes suppositions au fur-et-à-mesure des découvertes. Toutefois, j’ai trouvé que Théo était trop présent dans l’enquête Osana : Fanny ramène son fils dans toutes ses hypothèses pour trouver une explication à sa disparition. Même si je comprends sa douleur et son impossibilité à tourner la page, cette obsession a (pour moi) un peu parasité l’affaire Osana et cela m’agaçait car j’avais l’impression que cela freinait Fanny dans l’enquête, elle perdait en efficacité (la preuve, j’avais compris avant elle une partie de l’énigme 🤣). Personnellement, j’aurais préféré scinder les deux affaires même si je suppose que cela sera un fil rouge dans un (ou des) autre(s) roman(s) – au moins que cela prenne moins de place. Prenante, la plume de Pierre Vergeat est agréable à lire, c'est une bonne découverte.

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