"La petite boutique aux poisons" de Sarah Penner

Résumé 
Règle 1 : le poison ne doit jamais être utilisé pour blesser ou tuer une autre femme.
Règle 2 : le nom de la meurtrière et celui de sa victime doivent être notés dans les registres de l’apothicairerie.
Lors d’une froide soirée de février 1791, à l’arrière d’une sombre ruelle londonienne, dans sa boutique d’apothicaire, Nella attend sa prochaine cliente.
Autrefois guérisseuse respectée, Nella utilise maintenant ses connaissances dans un but beaucoup plus sombre : elle vend des poisons parfaitement « déguisés » à des femmes désespérées, qui veulent tuer les hommes qui les empêchent de vivre. Mais sa nouvelle cliente s’avère être une jeune fille de 12 ans, Eliza Fanning.
Une amitié improbable va naître entre elles, et entraîner une cascade d’événements qui risquent d’exposer toutes les femmes dont le nom est inscrit dans le registre de Nella...
De nos jours à Londres, Caroline Parcewell passe son dixième anniversaire de mariage seule, encore sous le choc de l’infidélité de son mari.
Lorsqu’elle découvre sur les bords de la Tamise une vieille fiole d’apothicaire, elle ne peut s’empêcher de faire des recherches et va découvrir une affaire qui a hanté Londres deux siècles auparavant : « L’apothicaire tueuse en série ».
Et alors qu’elle poursuit ses investigations, la vie de Caroline va heurter celles de Nella et d’Eliza. Et tout le monde n’y survivra pas...

Extrait
" 3 février 1791
Elle reviendrait à l'aube - la femme dont je tenais la lettre entre mes mains, celle dont j'ignorais encore le nom.
Je ne connaissais ni son âge ni son adresse. Ni sa place dans la société ni les troubles qui la hantaient en rêve quand la nuit tombait. Victime ou pêcheresse. Jeune épouse ou veuve vengeresse. Servante ou courtisane.
En dépit de tout ce que j'ignorais, il y avait une chose dont j'étais certaine : cette femme savait exactement qui elle voulait tuer.
[...]
La préparation ne prendrait que quelques minutes : le poison était à portée de main. Mais pour une raison mystérieuse, quelque chose dans cette lettre me perturbait. Ce n'était pas l'odeur subtile et boisée du parchemin, ni le coin inférieur gauche qui bouclait légèrement, comme gondolé par les larmes. L'inquiétude venait de moi. Comme l'intuition qu'un événement devrait être évité."

Mon avis
1791. Dans une ruelle de Londres, Nella concocte des remèdes dans sa boutique d'apothicaire héritée de sa mère. Mais surtout, elle a innové en vendant des poisons pour venger des femmes trahies. Un jour, une jeune servante, Eliza, vient pour le compte de son employeuse. L'apparition de cette jeune fille bouleversera le cours de la vie de l'apothicaire. De nos jours, Caroline vient séjourner à Londres et se consoler d'une mauvaise passe. Elle rencontre Alf sur les bords de la Tamise, se prête aux fouilles et trouve une fiole qui l'intrigue. Commence pour elle une enquête passionnante qui va impacter la suite de sa vie...

Dans ce roman, j'ai suivi différents personnages sur deux époques. Dans le passé, j'ai rencontré Nella, l'apothicaire particulière. Elle réalise des poisons sur demande dans une démarche sincère d'aider les femmes à aller de l'avant. Attachante, Nella fait preuve de bienveillance dans un esprit de sororité. Elle rencontre la jeune Eliza qui vient chercher un produit pour son employeuse et, curieuse, revient vers Nella pour en apprendre plus. Derrière un air candide, la jeune fille se montre audacieuse et généreuse. Un lien se tissera insidieusement entre les deux femmes. Au présent, j'ai fait la connaissance de Caroline, une jeune femme mariée à James, elle vit aux USA. En voyage à Londres, elle se prêtera à des fouilles dans la Tamise avec Alf qui la dirigera vers sa fille Gaynor pour avoir des informations sur la fiole découverte. Rapidement, les deux femmes deviennent amies et se passionnent pour la mystérieuse apothicaire. Elles sont touchantes. Un peu présent, James ne laisse pas un souvenir impérissable ; il parait immature dans ses réactions ; parfois égocentrique voire injuste.

Entrainante, l'intrigue a suscité ma curiosité dès le départ en suivant toutes les héroïnes. Avec un intérêt grandissant, je me suis attachée à ces femmes qui démontrent un fort caractère et une envie de s'émanciper. Que ce soit au passé ou au présent, l'histoire se déroule uniquement sur quelques jours. Dans une ambiance sombre, parfois pesante et inquiétante, j'ai suivi Nella et Eliza, Caroline et Gaynor dans leurs réflexions, leurs actions et leurs choix. L'activité de Nella se trouve menacée : comment pourra-t-elle s'en sortir ? Que deviendra-t-elle ? Dans quelle mesure Eliza est-elle impliquée ? Des décennies plus tard, Caroline parviendra-t-elle à percer l'énigme de l'apothicaire ? Entre extraits de journaux, archives d'hôpital et le local abandonné, elle n'aura pas le temps de s'ennuyer. Avec dynamisme, la double narration permet de faire le parallèle entre les découvertes de Caroline et les faits réels. À l'issue de ses recherches, des questions demeurent, l'apothicaire n'a pas livré tous ses secrets... Le dénouement m'a laissé pensive, libre d'imaginer ma conclusion finale.

J'ai adoré ce roman qui m'a emportée du début à la fin, j'ai bien eu du mal à le lâcher une fois commencé ! Rythmé, le récit comporte une narration multiple sur deux temporalités qui entretient le suspense. En effet, cela permet de distiller les informations progressivement et de tenir le lecteur en haleine. J'ai trouvé que le lien entre femmes était bien mis en avant : j'ai ressenti beaucoup de solidarité et de bienveillance entre les différentes protagonistes. Avec émotions, j'ai aimé suivre Nella, Eliza et Caroline dans leur quête de réponses qui, finalement, se trouve être un travail sur elles-mêmes : que faire de son avenir ? Quels sacrifices sont-elles prêtes à faire ou non ? Quelles blessures cherchent-elles à camoufler ? Dans l'ambiance étouffante des ruelles de Londres, j'ai aimé explorer la ville notamment la boutique. J'ai visualisé avec facilité les lieux grâce aux descriptions. Délicate, la plume de Sarah Penner est une belle découverte ; très plaisante à lire.

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