"Saveria" d'Aurélie Desfour

Résumé :
Depuis le décès de son mari deux ans plus tôt, retrouvé sous un pont avec une balle dans la tête et l’arme du crime, Saveria vit cloîtrée chez elle à Sartène, dans le sud de la Corse. Elle est la seule à ne pas croire à la thèse du suicide. Alors, entre deux antidépresseurs, elle continue à enquêter sur les réseaux sociaux à la recherche d’un nouveau meurtre commis par l’assassin de son mari. Son unique distraction : le compte Instagram d'une certaine « Anaïs Burpee », qui fréquente la salle de CrossFit attenante à sa maison. Jeune femme qui a repris sa vie en main et confiance en elle, Anaïs incarne l’amie que Saveria rêve d’avoir.
Le jour où Anaïs disparaît, Saveria pense tenir une piste : et si le tueur de son mari était de retour ?

Extrait :
"C’est le premier geste que j’esquisse en me réveillant. Tous les jours, je reproduis la même chorégraphie. Je tire sur la poignée du tiroir, ni trop vite ni trop lentement. Ma table de chevet est capricieuse, si je ne maintenais pas toujours un tempo égal, elle serait capable de me trahir par un grincement. Puis, je glisse ma main dans son compartiment. Entre mes perruques et les plaquettes de médicaments, je retrouve les contours doux et arrondis de mon smartphone. Petru me force à le ranger avant de dormir. C’est pour mon bien-être, dit-il. Comprendre : pour ma santé mentale. Je n’ai pas besoin d’alarme, mes cauchemars font preuve de régularité. Ils me tirent du sommeil chaque matin à 04 h 04. C’est une heure miroir, ce qui ne peut pas être un hasard. C’est évidemment un signe de Claude pour me dire de poursuivre mon enquête. Les gens du village auront beau continuer à me prendre pour une folle, moi, j’y crois dur comme fer."

Mon avis :
Depuis deux ans, Saveria vit dans le brouillard suite à la perte brutale de Claude, son mari. Seule avec ses deux enfants, elle tente de refaire sa vie avec Petru qui la soutient du mieux qu'il peut depuis de longs mois. Saveria est fixée sur son enquête personnelle : trouver qui a tué son mari car, pour elle, une seule certitude : il ne peut pas s'être suicidé. La mort d'une jeune femme au même endroit que Claude ravive sa peine et surtout sa détermination : un tueur rôde... Elle veut découvrir la vérité, mais à quel prix ?

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de trois protagonistes féminins ; ce sont elles qui mènent la narration et se dévoilent lentement. D'abord Saveria, la quarantaine ; maman d'un ado et d'une petite fille. Minutieuse, elle s'astreint à une routine mais elle se sent perdue et embrouillée avec les traitements qu'elle prend. Petru, qui ne rêve que d'avenir et de mariage, est son phare dans la nuit. Ensuite, Anaïs, une jeune maman, s'ennuie dans son quotidien depuis la naissance de son fils ; sa vie de couple avec Gauthier est chaotique. Elle fini par trouver du réconfort à la salle de sport ; une démarche qui va changer sa vie. Enfin, Marie-Ange, nutritionniste et amie d'Anaïs, qui est bien mystérieuse. Sans le savoir, elles ont un lien entre elles ; elles sont touchantes mais aussi parfois ambivalentes. J'ai aussi découvert Mérimée, Petru, Dumè, Gauthier qui gravitent autour.

Avenante, l'intrigue présente le quotidien des trois femmes lors de différentes périodes qui finiront par se rejoindre au présent. Ainsi, j'ai pu naviguer entre 2020, 2022 et 2023. Durant la première moitié du roman, j'ai appris à connaitre la vie de Saveria, Anaïs et Marie-Ange sans qu'il se passe quoique ce soit, ce qui m'a paru un peu long. Arrivé à la disparition d'Anaïs, tout s'accélère : des informations viennent se croiser, les liens se font entre les personnages et les surprises ne manquent pas. Avec dynamisme, j'ai assisté avec intérêt à cette succession de rebondissements. Curieuse, je n'avais plus envie de lâcher cette histoire. Grâce aux éléments récoltés, j'ai commencé à échafauder des hypothèses mais je suis restée avec quelques interrogations : j'avais donc hâte d'en savoir plus. Dans une ambiance de plus en plus pesante, j'ai senti la tension monter crescendo jusqu'à un point de non retour. D'autres révélations surviennent jusqu'au dénouement qui permet de comprendre tous les tenants et aboutissants.

Malgré un début un peu poussif, éloigné du thriller attendu, j'ai finalement bien accroché avec ce roman. Si le début démarre comme le récit de tranches de vie de trois femmes aux destins atypiques, il devient plus sombre à mi-chemin. L'atmosphère se transforme et j'ai pu ressentir l'angoisse monter. Les visages se révèlent peu à peu ; les pièces du puzzle s'assemblent progressivement avec satisfaction et étonnement. J'ai ressenti les émotions de chacune des femmes : l'impression d'être perdue, l'abattement, la colère, la tristesse etc. Tenue en haleine, j'ai apprécié que les informations soient distillées progressivement. Aussi, j'ai aimé ce focus fait sur les personnages féminins qui sont à la fois forts et fragiles. Le scénario est original, les descriptions visuelles. J'ai donc juste une réserve sur la longueur de la première partie mais aussi sur l'intérêt des passages consacrés au blog de Petite Sirène, qui, pour moi, n'apporte pas de plus-value. Soignée, la plume d'Aurélie Desfour est plaisante à lire.

***
De cette auteure, j'ai aussi lu : Keep calm and carillonne.

Intéressé.e par ce livre ? Vous pouvez le trouver (uniquement) ici → KOBO

Service Presse