Résumé
2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l'humanité s'est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage.
Y compris celui des femmes.
Afin d'enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile.
L'heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu'en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n'est jamais revenu du Grand Recyclage. Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n'est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées...
Extrait
"Keen Taylor fit signe à son fils et tous deux s'engagèrent dans le sillon de ce qui avait été une voie de circulation terrestre. Leurs palmes ondulaient au-dessus d'un amoncellement de matériaux broyés par la force du courant, méli-mélo de véhicules disloqués et de meubles arrachés au ventre des habitations, réduits à l'état de carcasses gangrenées de macroalgues noires ou violacées. La population de la ville engloutie avait fui juste avant la dernière vague, laissant derrière elle de quoi empoisonner la baie pour des siècles. Une colonie de coquillages avait pris possession des lieux avant que les températures extrêmes ne les cuisent ; aucune vie possible à moins de dix mètres sous l'eau à l'exception des bactéries, des céphalopodes et de certains vers de vase acclimatés au milieu hydrothermal. Dans cet enfer peuplé de moustiques tropicaux, les algues étendaient peu à peu leur royaume."
Mon avis
Dans le futur, la vie des femmes et des hommes s'est transformée suite à des changements climatiques qui ont eu un impact sur l'équilibre de la planète et de ses habitants. La société s'est totalement renouvelée pour préserver l'espèce humaine avec un mode de vie plutôt strict. Parmi les nouvelles règles, il y a le Grand Recyclage : passé 50 ans, les femmes quittent leur famille pour que les hommes puissent procréer avec d'autres femmes. Dans ce monde en apparence plus serein, où les émotions sont contrôlées en tout temps, la vie parait belle... mais un monde parfait n'existe pas... Alors, où sont les failles ?
Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de plusieurs personnages, deux familles en particulier. Celle de Keen, Rachel et leurs enfants ; celle de John, Hasna et leurs enfants. Les femmes sont amies, aussi avec Odette et Maud. La cinquantaine, elles savent qu'elles vivent leurs derniers moments dans le village. John et Keen aussi sont amis, tout comme les enfants s'amusent ensemble. En apparence, la vie semble paisible pour tous. Avec bienveillance, il règne une certaine harmonie dans les foyers. Les disputes, les violences, les crimes n'ont plus leur place dans cette société, grâce aux bracelets régulateurs d'humeur. Les religions, les croyances ont disparu pour éviter tout conflit. Toutefois, derrière cet aspect lisse, presque fade de la vie, j'ai ressenti des variations chez certains personnages. Malgré l'intervention de l'IA, il semble qu'on ne puisse pas totalement contrôler la nature humaine... Je me suis attachée à Rachel ou encore Keen qui montrent plus de résistance et de détermination.
Entrainante, cette histoire m'a emportée dans un monde futuriste que je me suis imaginée sans mal. Avec un mode de vie adapté au climat et aux transformations, j'ai été curieuse de découvrir le quotidien de chacun. Les habitants des villages ont un emploi, une maison, une famille ; ils peuvent vaquer à des occupations mais ils ont des limites pour leur sécurité. Les règles imposées par la Gouvernance contrastent avec notre société actuelle. Alors que l'humanité était menacée, que les femmes étaient trop nombreuses, des mesures ont été prises pour repeupler la planète tout en maitrisant son nombre. Chaque être doit procréer, quelque soit son orientation. Les moyens sont donnés pour que des enfants naissent. Une fois la ménopause passée, les femmes deviennent inutiles tandis que les hommes ont encore l'opportunité de féconder. Alors, le Grand Recyclage a été mis en place : les femmes de plus de cinquante ans partent vers un autre monde. Mais personne n'a jamais communiqué avec les femmes retirées : est-ce tel qu'on le prétend ? Ou est-ce une issue bien plus sombre ? Alors que Rachel et ses amies préparent leur départ, le décès de trois fillettes alerte Keen. Il pense qu'un meurtre, comme dans l'ancien monde, a été commis. Esseulé après le départ de sa femme, il se plonge dans une enquête pour faire la lumière sur cette affaire. Entre le mystère du Grand Recyclage et celles des fillettes, j'ai été happée du début à la fin.
Sans grande effusion ni rythme soutenu, j'ai suivi quelques semaines dans ce village du futur aux côtés de plusieurs personnages. Original, le scénario suscite la curiosité. J'ai apprécié cette ambiance plutôt légère et apaisée qui reflète bien l'objectif de la Gouvernance du bien-être et d'une certaine soumission des habitants. Toutefois une certaine tension plane et inquiète. Bien pensée, la construction du roman se découpe en six parties qui sont comme les étapes de la vie des femmes et qui évoquent aussi le recyclage (collecter, retirer, réduire...). Un parallèle est fait avec la vie d'avant, par touche : on entrevoit les vestiges passés et les personnages expliquent comment ils en sont là, aujourd'hui. En parallèle, Rachel raconte son histoire qui contient des flash-back de son enfance. Tout cela permet de mesurer les évolutions qui se sont succédées et les dérives qui se veulent utiles et dans l'intérêt de tous. Mais les examens de santé en permanence (notamment avec les bracelets), l'IA qui rôde dans le ciel et dans toutes les tâches courantes (coucou Maya !) et le contrôle des connaissances commencent à peser dans l'esprit de certains. Les limites de ce mode de vie sont-elles atteintes ? J'ai aimé les sujets abordés qui font écho aux actualités : la place de la femme, l'éducation des enfants, l'omniprésence de l'IA, l'occupation raisonnée de la Terre, concilier les Hommes et la Nature. Tout cela incite à la réflexion : est-ce que cela pourrait arriver un jour, tout cela ? De quelle manière ? Prenante, la plume de Sophie Loubière est plaisante à lire.
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De cette auteure, j'ai aussi lu : L'enfant aux cailloux.
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