Résumé :
Un vieux chalet.
Un torrent déchaîné.
Une nuit de pluie diluvienne.
Une mère face à son pire cauchemar.
Un chalet savoyard au bord d’un torrent de montagne, ce pourrait être le cadre idéal pour élever ses enfants. Surtout lorsque c’est une maison de famille. Sauf que depuis leur emménagement, Aude ne s’y est jamais sentie chez elle. Non seulement chaque recoin est chargé de souvenirs de sa belle-famille, mais pour couronner le tout, les travaux de rénovation de la cave s’éternisent. D’ailleurs, Aude n’y descend jamais.
Pourtant, après une nuit tragique, cet immense chantier poussiéreux va l’obséder. Tout comme le comportement de certains membres de son entourage. Car rien de tel qu’un drame pour révéler des secrets bien gardés.
Culpabilité, paranoïa ou soupçons étayés, Aude commence à perdre pied. Et peut-être aussi la raison...
Extrait :
"Soudain, des sonneries me font sursauter. Il me faut un temps de réflexion pour réaliser qu’il s’agit du vieux téléphone fixe. Je finis par décrocher. J’entends alors la voix inquiète de Pierre au bout du fil. De toute manière, il est le seul à utiliser encore la ligne fixe. Sa voix grésille dans l’écouteur.
- J’ai essayé de joindre Jocelyn, mais il ne répond pas.
Il marque une pause. Je ne lui connaissais pas ce ton. Mon beau-père a l’air vraiment inquiet. J’essaie de le rassurer.
- Les filles sont sages. Elles jouent à l’étage.
- Bon, écoute-moi bien, Aude. Le Nom et le Fier ont débordé. Ils ont fermé la D12.
C’est la route qui longe notre chalet. Il devient carrément flippant et ne me laisse pas le temps de répondre cette fois.
- Avant que l’eau inonde tout le rez-de-chaussée, il faut verrouiller la porte extérieure et toutes les issues de la cave. Même les petites trappes d’aération.
Hors de question que je descende. J’hésite à lui mentir pour le calmer. Il insiste.
- Si l’eau monte au-delà d’un mètre dans la cave, ça risque de…
Le téléphone fixe est coupé. Il me reste mon portable. J’essaie de rappeler Pierre sur le sien : ça sonne dans le vide. Je n’arrive pas à joindre Jocelyn non plus.
Un grondement impressionnant fait vibrer les vitres. Il est suivi d’un hurlement strident au deuxième étage."
Mon avis :
Sur les hauteurs d'Annecy, Aude vit dans le chalet familial de son compagnon Jocelyn avec leurs deux filles. Isolés, ils n'ont qu'une maison à côté où vivent Séverine, Bastien et leur fils Oscar. Malgré quelques tracas, la vie est plutôt agréable pour la jeune femme. Un soir, après des journées très pluvieuses, les cours d'eaux se révoltent subitement, provoquant l'affolement dans le chalet. Un drame survient et la vie d'Aude bascule à jamais. Une tragédie qui éveille des soupçons, apporte de la rancœur et des doutes. Aude connait-elle vraiment son entourage ?
Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de la famille Géry : Jocelyn, fils de Françoise et Pierre, qui lui ont transmis le chalet familial. Cet héritage a rendu son oncle Martial amer car il aurait aimé profiter de ce lieu qui lui rappelle son enfance. Même s'il offre son aide pour des petits travaux, on sent de l'irritation et parfois de la colère. Aude a donc du mal à s'investir complètement dans ce lieu - surtout avec les beaux-parents envahissants -, mais la présence de Noélie et d'Adèle suffit à l'apaiser. Aude et Jocelyn se sont liés d'amitié avec Séverine et Bastien, leurs uniques voisins. Une fois le drame survenu, les visages changent et il devient difficile de se fier aux différents protagonistes ; les masques s'effritent et on peut apercevoir des airs beaucoup moins lisses et bienveillants... Quels secrets sont dissimulés à tout prix ?
Au cœur de la montagne, j'ai été entrainée dans le quotidien d'Aude. Après une mise en place du décor, celui-ci se modifie au gré de la météo qui devient sombre et inquiétante. Des trombes d'eaux provoquent le débordement des torrents et rivières mais aussi des coulées de boue. Affolée et seule avec ses filles, Aude tente de faire bonne figure. La panique l'envahit quand son beau-père lui parle de la cave. Tout s'enchaine brutalement et une catastrophe se produit. L'ambiance devient très pesante, morose ; l'état de santé mental d'Aude se dégrade au point de ne plus savoir où est le vrai et le faux. Présent, son entourage s'inquiète pour elle et propose de l'aide comme ils peuvent... mais est-ce sincère ? Comme dans un tourbillon, j'ai eu la sensation d'être emportée, de m'enfoncer tout comme Aude. En quête de réponse, j'ai été tenue en haleine et j'ai assisté avec intérêt à chaque rebondissement. Plutôt inattendu, le dénouement répond à toutes les questions.
Globalement, j'ai bien aimé cette histoire qui comporte du suspense et dont le malaise monte crescendo. Après la nuit apocalyptique, on sent nettement un changement d'atmosphère, ce qui est compréhensible vu la situation. Surtout de la méfiance s'installe chez Aude, elle est fragilisée. J'ai ressenti cette détresse et sa solitude ; elle oscille entre des phases d'abattement et d'autres plus optimistes. Mais des éléments l'intriguent régulièrement ; cela attise sa psychose. Elle se questionne sans cesse et ne parvient finalement pas à aller de l'avant. Montrée du doigt, elle se sent délaissée petit à petit, au fond du trou. Pour ses filles, elle garde toutefois une détermination qui lui permettra d'obtenir des informations... Sa vérité sera-t-elle celle des autres ? Cette immersion dans les méandres d'Aude est déstabilisante : j'avais envie de la soutenir, de la croire et en même temps, je ne saisissais pas ce qu'il se passait réellement. J'ai aimé l'univers : une sorte de lugubre huis-clos, la sensation d'être dans le brouillard et aussi et la tension qui se dégageait. Prenante, la plume de Thomas Martinetti est visuelle et plaisante à lire.
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