"Contre l'espèce" d'Estelle Tharreau

Résumé :
Le miracle écologique a eu lieu. Partout sur la planète, des recycleurs démontent l'ancien monde et la nature reprend ses droits.
Seuls subsistent les hypercentres où chaque acte de la vie est piloté par huit plateformes numériques. Mais que se passe-t-il lorsqu'il ne reste plus rien à démonter et que les dirigeants de ces plateformes fomentent des projets génocidaires ? Quel destin attend John, le recycleur désabusé, Futhi, la jeune aveugle presciente, Olsen, le policier subversif, Ousmane, l'homme qui en sait trop, et Rosa, la ravisseuse du petit Willy ?
Tous seront entraînés dans le tourbillon d'un monde s'écroulant dans un grand fracas d'octets.

Extrait :
"Je suis la génération qui a vu le monde s’effondrer dans un grand fracas numérique.
Souvenez-vous ! On a tous imaginé la fin du monde : guerre de religion, guerre nucléaire, virus, épidémie, catastrophe écologique, catastrophe naturelle, crise alimentaire, crise sanitaire, famine mondiale, météorite, extinction solaire ? Allez ! Soyez honnêtes, vous avez tous en tête un film, un livre, un reportage, une belle histoire spectaculaire qui nous terrifiait tous, nous, les descendants du XXe siècle. Les types qui ne pouvaient pas imaginer que l’Homme s’éteindrait autrement que dans un grand show violent et sanglant comme les deux guerres mondiales nous l’avaient enseigné, à nous, les descendants du XXe siècle, les hommes lents qui n’ont rien vu venir dans un XXIe siècle si rapide.
[...]
Pour faire court, en trente ans, ces géants du numérique étaient parvenus à être juges et parties de leurs activités au nez et à la barbe des États et des électeurs. Parce que, comme l’avait dit Ayn Rand*, la philosophe chantre de l’ultralibéralisme et de l’hyper-individualisme qui avait tant inspiré « feue » la Silicon Valley* : « La question n’est pas de savoir si j’ai le droit de le faire,
mais qui pourrait m’en empêcher.* » L’heure de la survie a sonné, alors n’oubliez jamais, chers auditeurs : « La question n’est pas de savoir si j’ai le droit de le faire, mais qui pourrait m’en empêcher. »"

Mon avis :
Dans un monde (pas si) éloigné du nôtre, l'humanité a passé un nouveau cap. Le tout numérique a rendu les Hommes idiots et dociles. Dépendants des nouvelles technologies, ils seront perdus lorsque le Big Bug anéantira leur mode de vie. Comme souvent dans l'Histoire, deux idéologies s'affrontent pour la survie de l'humanité. Mérite-t-elle vraiment d'être sauvée ?

Dans ce roman, j'ai fait la connaissance de plusieurs protagonistes qui occupent des positions sociales différentes et n'ont pas les mêmes droits. En fonction de leur caste, ils ne vivent pas de la même manière. John Beck, le recycleur ; Rosa, une domestique positive Starke ; Willy, un jeune garçon au scoring de 4 - insuffisant pour être correctement considéré (même par ses parents) ; Olsen, un policier ; Ousmane et Futhi ou encore le vieux Loony. D'autres personnes gravitent autour d'eux ; ils font des rencontres déterminantes, leurs chemins se croisent. Certains sont attachant, d'autres détestables.

Suscitant l'intérêt, l'intrigue évoque un monde qui se situe plusieurs décennies après nous (XXIIème siècle). Une époque où le numérique a pleinement pris le contrôle de tout et de tout le monde. Des puces sont implantées dans chaque individu et elle contient absolument toute sa vie : santé, intelligence, porte-monnaie, parcours... Sans la puce, un individu est considéré comme mort, il n'a plus d'existence : impossible donc d'y échapper ou de s'en défaire. Les individus n'ont plus vraiment de contrôle, ce sont des marionnettes. Le monde d'avant est démonté pour repartir sur de nouvelles bases où la Nature doit être au centre. Mais à qui peut-on faire confiance ? Comme dans une certaine partie de notre Histoire, des zones d'ombre subsistent, une résistance se met en place, une survie est envisagée, la révolte gronde. Dans une ambiance relativement pesante, j'ai suivi les péripéties des quelques personnages, sans toutefois être complétement emportée. 

Original, ce roman n'a pas su vraiment me convaincre. Si l'idée m'a plu, j'ai eu du mal à me projeter dans l'univers, à me représenter l'évolution de l'intrigue. J'ai saisi les principes de tri avec le scoring ; de pillules rouge ou blanche, ou encore avec les positif ou négatif Starke mais cela avait un côté un trop trop abstrait. Le récit principal s'entremêle de différents témoignages (pionniers, survivants, résistants) et aussi des transmissions de la radio clandestine APPIA. Je trouve que l'ensemble est relativement intéressant et bien imaginé car l'auteure part de situations pragmatiques et tricote un futur assez triste et pessimiste. Cela fait parfois écho à notre quotidien. Se pose aussi la question de la répétition de l'Histoire 39/45... On retrouve une partie des concepts : mettre des idées en tête (endoctriner), prendre le contrôle, diviser le peuple, coller des étiquettes, isoler, séparer, tuer (massacrer) sous couvert d'un monde meilleur. C'est un roman qui amène la réflexion et qui plaira aux amateurs de science-fiction. Même si ce n'est pas un livre pour moi, j'ai apprécié la plume d'Estelle Tharreau qui est soignée. Je salue également ses scénarios innovants et captivants.

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Service Presse
Taurnada